Cryptozoologie - Le mammouth

LES MAMMOUTHS DU GRAND NORD

par Christophe Beaulieu

 

Le mammouth est une figure emblématique des animaux de la préhistoire. C'est le seul mammifère capable de tenir tête aux dinosaures en matière de notoriété auprès du grand public, et des enfants en particulier.
Le mammouth est aussi un excellent candidat à la survivance, grâce à une niche écologique inchangée depuis la dernière glaciation, et en fait l'un des sujets récurrents de la littérature cryptozoologique.

 

La longue histoire des mammouths

Le mammouth appartient à l'ordre des Proboscidiens, du grec proboskis qui signifie trompe, vieux d'une soixantaine de millions d'années, selon la chronologie officielle. On connaît aujourd'hui environ 160 espèces de Proboscidiens dont il ne resterait de nos jours que les éléphants d'Afrique (Loxodonta) et d'Asie (Elephas).

Les principales caractéristiques des Proboscidiens sont les défenses et la trompe. De nombreuses formes primitives avaient quatre défenses. Les premiers à cumuler les deux critères étaient des Déinothères, apparus il y a environ 40 millions d'années. La trompe est formée par la fusion et l'allongement des muscles du nez et de la lèvre supérieure; elle rejoint le crâne au niveau de l'ouverture nasale. L'apogée des Proboscidiens se situe au Miocène (-24 à -5 millions d'années).

Durant cette période, on voit apparaître de nombreuses familles, généralement désignées sous le nom de mastodontes, dont le Mammut américain (rien à voir avec le Mammouth), qui a survécu jusqu'à -10 000 ans environ. Ce mastodonte a donc été contemporain des Mammouths dont en fait il n'est que lointain cousin puisqu'ils se sont séparés du tronc commun vers - 40 millions d'années. Au Miocène, une famille particulièrement intéressante s'est développée à partir du Stégodonte. Ce dernier est l'ancêtre direct des éléphants actuels. Le Stégodonte entre lui aussi dans la famille cryptozoologique depuis l'expédition de Sir John Blashford-Snell de 1992 dans l'ouest du Népal parti à la recherche du grand éléphant.... Des témoignages ont été collectés et des photos prises. En l'état actuel des connaissances, deux hypothèses s'affrontent : soit cette espèce est un stégodonte relique, soit il s'agit d'une variété mutante d'Elephas maximus.

Les vrais éléphants, espèces actuelles comprises, et les mammouths forment la famille des Elephantidae. Les plus anciens Elephantidae ont été trouvés en Afrique : Stegotetrabelodon, à quatre défenses et Primelephas vieux de 6 millions d'années.
Les mammouths se distinguent des éléphants par deux caractères bien spécifiques: l'absence d'émail autour des défenses et des crêtes transversales visibles à la surface des molaires. Vers -4 ou -5 millions d'années, la lignée africaine des Elephantidae éclata en trois branches principales : Loxodonta s'est cantonné en Afrique, Elephas a migré vers l'Asie et Mammuthus dont le plus ancien représentant Mammuthus subplanifrons, a été découvert dans les dépôts de la dépression de l'Afar, en Ethiopie en 1920.
Les caractères du crâne et des dents semblent rapprocher le mammouth de l'éléphant d'Asie. Par contre, les molécules d'ADN le font plus proche de celui d'Afrique.

 

Les différents espèces de mammouths

M. subplanifrons est le plus ancien mammouth connu, on l'a vu plus haut. Son nom a été donné par H. F. Osborn en 1928. On a retrouvé d'autres restes en Afrique du Sud et au Kenya.
M. africanavus apparaît peu de temps après subplanifrons. Ses restes ont été trouvés en Afrique du Nord et datent de trois millions d'années environ. Il était de petite taille et ses défenses s'écartaient du crâne de façon plus significative que les autres espèces. Comme cette caractéristique n'a pas été observée ultérieurement, il se peut que M. africanavus ait été en fin de ligne évolutive.
M. meridionalis est la première espèce trouvée hors d'Afrique. Ses premiers restes ont été découverts en Italie. Il descend probablement de subplanifrons et a colonisé toute l'Europe, jusqu'en Russie. Il se peut également qu'il ait colonisé l'Amérique du Nord, étant ainsi à l'origine des différentes espèces américaines. Il mesurait quatre mètres à l'épaule pour un poids de dix tonnes. C'est l'ancêtre des formes de mammouths les plus récentes. Il possède déjà les défenses recourbées en spirale vers le haut. Il vivait en milieu chaud, au sein des forêts mixtes à feuilles caduques et de conifères.
Suite au refroidissement du climat, M. trogontherii supplante meridionalis partout en Europe et en Sibérie. L'adaptation progressive de l'animal en fait un habitant des steppes vers l'Est et un résidant des milieux forestiers encore chauds d'Europe. Il représente l'étape intermédiaire entre méridionalis et le mammouth laineux; c'est aussi le plus grand des mammouths, atteignant 4,5 m au garrot pour une dizaine de tonnes.
M. primegenius, le mammouth laineux, apparait dans le nord-est de la Sibérie, vers -400 000 ans environ. Les variétés les plus anciennes disparaissant progressivement, M. primegenius investit, reprenant la migration à l'envers, toute l'Europe. Il traverse aussi le détroit de Béring et colonise l'Amérique du Nord. Sa disparition officielle ne date que de 12 000 ans. C'est bien sûr cette espèce qui va nous intéresser plus particulièrement dans cette étude.

On trouve des espèces de mammouths typiquement américaines, tel M. columbi qui descend de M. meridionalis. Sa répartition s'étendait du nord des Etats-Unis jusqu'au centre du Mexique. M. imperator est le nom donné à une autre espèce représenté par de nombreux fossiles d'Amérique du Nord, et fut appliquée en particulier à une dent du Nebraska par J. Leidy en 1858. Si certains M. imperator semblent appartenir à un stade intermédiaire entre meridionalis et columbi, la plupart seraient en fait des représentants de cette dernière espèce. Il en est de même pour M. jeffersoni, nom donné par le paléontologue Osborn en 1922 à quelques grands fossiles. M. jeffersoni peut éventuellement représenter un stade évolutif précédant M. columbi, mais ce n'est pas sûr.

Quelques espèces ont dû s'adapter à des conditions de vie particulières et comme tous les grands mammifères, devant un déficit alimentaire et l'absence de prédateur, ont connu une tendance au nanisme.
Ainsi M. exilis a été identifié par Stock et Furlong en 1928. Cette espèce doit son nanisme à son isolement sur les îles du canal de Californie. Une cinquantaine d'individus ont été découverts sur l'île de Santa Rosa.
On connaissait déjà les mammouths nains de Sicile et de Malte, qui ne formaient qu'une seule île à l'époque. Avec son mètre de haut, Elephas falconeri descendait probablement de M. meridionalis ou de M. trongotherii.

Les dernières découvertes de mammouths nains ont été faites par trois scientifiques russes sur l'île de Wrangel. Cette île est située dans l'océan arctique à 200 kilomètres au nord de la Sibérie. D'après les dents, relativement petites, la taille de ce mammouth, forme dérivée de primegenius, devait atteindre 1,80 m. Il faut noter que les restes ont été datés de -7000 à - 3700 ans, ce qui indique que le mammouth de Wrangel a survécu bien au delà de l'extinction officielle datée elle à -12 000 ans.

 

L'extinction des mammouths

D'après la datation des fossiles retrouvés, la disparition des différentes espèces de mammouths n'a pas été effective partout en même temps.
Il semblerait que les mammouths aient disparu de Chine vers -20 000 ans, alors que ceux d'Europe se sont éteints apparemment vers -12 000. Peut-être que quelques groupes résiduels ont pu survivre ça est là notamment en Angleterre, à Condover et en Suisse, à Praz-Rodet où les squelettes sont datés de -11 000 ans.
En Amérique du Nord, M. columbi a également disparu progressivement a partir de -12 000, laissant quelques groupes isolés comme à Dent dans le Colorado et Big Bone Lick dans le Kentucky qui se sont éteints vers -10 000 ans.
On définit généralement l'extinction comme la combinaison de deux facteurs principaux qui sont les modifications climatiques et la chasse de plus en plus intensive pratiquée par les hommes de plus en plus nombreux.
Si l'on admet ces deux facteurs comme causes réelles de cette extinction, on peut tout-à-fait expliquer la disparition du mammouth en Europe, en Amérique du Nord et en Asie Centrale. Par contre, on est obligé de reconnaître que sur des zones où les modifications climatiques ont été moindres et où les populations sont restées clairsemées, le mammouth a très bien pu perpétuer une existence relativement tranquille. C'est le cas de la Sibérie et de l'île de Wrangel où les squelettes sont datés de moins de 7000 ans. Le cas de l'île est un peu particulier car une colonisation humaine même tardive a pu accélérer le processus d'extinction, favorisée par un espace restreint. Mais les immensités sibériennes recèlent encore bien des zones inexplorées.
Si la zoologie officielle admet ces deux facteurs comme dogme, les cryptozoologues, en tenant un raisonnement identique, sont en droit d'émettre l'idée que le mammouth peut vivre en groupes restreints dans les grandes zones forestières, à la lisière de la steppe dont la maigre végétation constituait une partie de l'alimentation de l'animal.

 

Faire renaître le mammouth

Il est question depuis quelques temps, notamment grâce aux travaux d'un spécialiste de la reproduction animale japonais, Kazufumi Goto, de l'université de Kagoshima sise au sud du pays de faire renaître une variété génétiquement proche du mammouth laineux. D'après ce chercheur, il serait possible en prélevant du sperme congelé d'un mammouth mort de féconder des éléphants indiens. Kazufumi Goto affirme avoir réussi cette opération en 1992 avec un veau grâce aux techniques qu'il aurait lui-même développées. Son projet pourrait permettre de recréer la race après un certains nombre de croisements sélectifs.
Déjà en 1960 et 1970 des scientifiques russes avaient imaginé d'après l'excellent état des tissus des mammouths congelés une expérience visant à faire revivre l'animal. Du matériel génétique pouvait être extrait d'une cellule de mammouth et transplanté dans l'oeuf d'une femelle d'éléphant dont le propre matériel génétique aurait été enlevé. Toutes les expériences de cette nature ont échoué.
Des techniques développées autour de 1980 ont permis d'extraire de petites quantités d'ADN qui codent l'information génétique à partir de restes fossiles. Plusieurs laboratoires dans le monde ont réussi ainsi à extraire de l'ADN des tissus de mammouths de Sibérie. Cet ADN ne provient en fait qu'en partie des gènes du mammouth, le reste ayant pour origine des bactéries qui ont infecté la carcasse après sa mort. L'ADN ainsi isolé est malheureusement endommagé sous l'effet de nombreux facteurs, tels les propres enzymes de l'animal, les produits chimiques du sol et l'action bactérienne. Les morceaux d'ADN retrouvés ne représentent qu'une petite fraction du code génétique total, ils ne sont plus organisés dans l'optique originale du développement d'un bébé mammouth. C'est la raison principale qui fait douter les généticiens sur la possibilité de recréation d'un mammouth vivant.

 

Les mammouths d'aujourd'hui

De nombreux mammouths congelés, en excellent état de conservation, ont été retrouvés depuis des décennies. Ces découvertes ont permis aux sceptiques de fabriquer de toute pièce le mythe du "mammouth congelé que les autochtones impressionnés croient toujours vivant". Ceci est loin, très loin, de satisfaire et d'expliquer un certain nombre d'observations. Même si les cadavres font partie intégrante du folklore des peuples du grand Nord, on connaît au moins trois récits précis évoquant de grands éléphants poilus bien vivants :
En 1920, un vieux chasseur raconta à monsieur Gallon, alors consul français de Vladivostok, qu'il avait aperçu de grands éléphants velus à défenses recourbées qui se déplaçaient en bordure de forêt dans une région située entre les fleuves Obi et Ienisseï. Ce chasseur avait découvert de larges empreintes et suivi la piste durant plusieurs jours avant de découvrir ces animaux.. L'intérêt de cette observation réside dans le fait que pour la première fois on décrivait des mammouths évoluant en milieu forestier et non pas dans les immensités désertiques de la toundra.
En 1922, des Evenks, tribu esquimaude sibérienne, affirmèrent avoir observé un mammouth vivant peu de temps auparavant près de l'océan Arctique. Les voyageurs qui rencontrèrent cette tribu ont affirmé que les Evenks possédaient des peaux de mammouths en bon état de conservation.
En 1580, des cosaques du Don, avec à leur tête l'ataman Yermak Timoféévitch, affirmèrent avoir rencontré dans le royaume de Sibir, au-delà de l'Oural de grands "éléphants velus" que les indigènes surnommaient "montagnes de viande".

 

Bibliographie

HEUVELMANS, Bernard
1955
Sur la piste des bêtes ignorées. Paris, Plon.

LISTER, A. et P. BAHN
1995
Encyclopédie complète des mammouths. Genève, Delachaux et Niestlé.

NOLANE, Richard D.
1993
Sur les traces du yéti et autres animaux clandestins. Paris, Dossiers Vaugirard.

SHUKER, Karl P. N.
1995
In search of prehistoric survivors. London, Blandford.

Monroe Evening News (Michigan), 26 mars 1993

Charente Libre, 12 novembre 1996

Science et Vie, n° 938, novembre 1995

Mystères, octobre 1994


Site d'origine : http://pagesperso-orange.fr/cryptozoo/mammouth.htm

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